Tout est toujours compliqué à la Datura...

Tout est toujours compliqué à la Datura…C’était désormais la guerre interne, chacun campait sur ses positions, impossibilité totale d’ouvrir quelque dialogue que ce soit…L’idée de Cléa était pourtant, à la base, excellente mais il a évidemment fallu qu’un petit élément ne fasse pas l’unanimité. Petit élément, certes, mais qui mettait tout le projet en péril. En effet, Cléa ne voulait pas pique-niquer autre part qu’à la forêt de Broquir , Stanley refusait de quitter ses taupes du cimetière de Cyrosh, Bryan n’imaginait pas aller autre part qu’à la vallée de Ceth, afin que les arbres puissent protéger ses cheveux du vent, tandis que moi je tenais à manger au milieu des petits Exilois…La situation était dramatique…

-Nan sont nuls les Exilois !
-Vous imaginez le drame si ma mèche bouge…
-Ah, on voit votre esprit imaginatif…Passionnant de manger avec des plantes autour de soi…
-Marcel, Marcel et Marcel ne survivraient sans doute pas si je les laissais seuls un midi.

De plus, il était difficile de contrarier chacun, tous étaient touchés par certains évènements récents…Cléa cherchait tous les jours Ben dans les bois, en vain, forcément. Son esprit avait du mal à assimiler le fait que c’était les dieux qui l’avaient aspiré dans le néant le plus profond . Bryan, lui, était devenu très susceptible et émotif depuis la disparition de Bob le cactus. Ce drame a provoqué une vigilance accrue de Stanley sur ses taupes…
Il fallait trouvé un compromis et l’idée révolutionnaire vint après 4h30 (d’après notre cadran solaire rustique) de « négociations », après 53 « sont nuls les Exilois », 76 « sont pas beaux toute manière tes cheveux », 28 tirages de cheveux, 2 coups de pelle, 28 caresses à Marcel, 0 tentative de compromis, 42 cris d’indignation et 225 « t’es blonde, tu peux pas comprendre ». L’idée consistait à aller manger dans un endroit neutre qui était au centre des destinations de chacun. Il y eut évidemment encore quelques pinaillements tels que :

-S’pas normal, s’plus proche de ton endroit que du mien ! Il y a corruption !
-On est tous fauchés Cléa, s’pas possible…

Ou encore :

-J’ai peur, on doit passer par les ruines de Borgovil !

Mais tout le monde se mit d’accord et l’étang de Barral fut convenu comme lieu de repas, grâce à un baron remarquable d’intransigeance (s’moi en fait). Comme le veut la tradition daturienne, chacun doit mettre un peu d’eau dans son vin lorsque tout le monde est tombé d’accord ; c’est suffisamment rare pour que l’on établisse un rituel particulier lors de ces moments-là. Cependant, le vin étant trop cher pour nous, Dame Robert avait donc préparé un jus vert…Terrible bévue… De suite, Bryan associa cette substance au jus de Bob…On était reparti pour 2h de discussions intensives, histoire de prouver au pseudo-bôgoss que c’était du jus d’herbe. Stanley eut la bonne idée de le menacer en plaçant une dague en-dessous de sa toute nouvelle mèche.
Mais voilà, toutes ces histoire n’étaient pas sans conséquence…Il était désormais entre midi et le soir. Autrement dit, le dîner tombait à l’eau. Dans un éclair génie, je proposais aux autres de reporter notre escapade au soir, solution acceptée à l’unanimité (je ne vous cache pas la fierté qui m’emplit suite à ce succès probant).

Il était entre après-midi et soir lorsque l’on s’est décidé à se mettre en route.

-Cléa, t’as rien oublié ?
-Nan, j’ai tout : trente-six cuisses de grenouilles, deux silex, quatre gourdes, un miroir, trois chaussettes, un gourdin, un peigne, cinq pommes de terre, une pioche, une pelle, un chapeau une crème pour la peau, un bouclier, trois carottes, deux tomates et un livre.

Il avait bien fallu contenter tout le monde. Après avoir réalisé des concessions au niveau de l’endroit choisi, personne ne voulait se faire berner et chacun prit ce dont il pouvait avoir besoin en cas de situations extrêmement extrêmes. Nous étions équipés comme de véritables chercheurs d’or…Et Cléa fut désigné porteuse officielle de la Datura avec 75% des votes.

-Bon, on est arrivé…
-C’est moche…
-Normal, c’est Pop’ qu’a choisi

Tomate dans la tête de Cléa

-Mais t’es complètement marteau !

Bon, c’est vrai que ce n’était pas la preuve d’une grande présence d’esprit et d’intelligence mais, s’vrai quoi, elle m’avait provoqué et s’moi le baron de toute façon.

-Il y a beaucoup de vent ici…
-Marcel me manque…
-J’ai faim
-On mange quand ?
-Comment on fait pour lire ?

Voilà le genre de remarques qui ornaient la préparation minutieuse et maison des cuisses de grenouille que je leur concoctais…C’était calme, un peu trop calme pour la Datura…Mon flair de froussard, devenu extrêmement fiable avec le temps, me donnait le sentiment qu’un grand danger allait arriver. Je me penchais sur toutes les possibilités ; autant je ne me laissais aucune réflexion et me laissais aller aux actes les plus primitifs avec Cléa, autant lorsqu’il s’agit de danger, j’essaye de réfléchir le plus possible ; même si ma conclusion est souvent identique (voire constamment) : il faut fuir.
Evidemment, j’ai perdu le cours de la préparation à cause de mes élucubrations et les trente-six cuisses de grenouille étaient…disons…cramées…

Le danger en question se rapprochait à toute vitesse : trois enfants qui faisaient la course jusqu'aux ruines de Borgorvil en riant inocement.

[rires inocents]Hahaha hahahahaha hahaha[/rires inocents]

Ne vous fiez pas aux apparences ! Il étaient armés de filets à papillons et de sandwiches au thon... L'un d'eux possédait même une dague primaire !
Bref, trois dangereux terroristes en puissance, prêts à détourner n'importe quoi, à commencer par leur chemin...

"Tiens, si on faisait le tour de l'étang de Barral ?
- Mais pourquoi ? Ce n'est pas notre chemin !
- Ca serait un détour sympa !
- Oh ouai ! T'as raison !
- Trop cool !"



C'est ainsi que les rires inocents et attendrissants des trois monstres de cruauté parvinrent aux oreilles attentives de Ppopeye, suivis bientôt de la vision effrayante des trois délinquants armés donçant sur le pique-nique de la Datura.

"Des p'tits zexilois ! On les poutre ?
- Non ils sont louches, on les fuit.
- Marcel veut rentrer retrouver Marcel.
- Ils sont pas louches !
- Si madame ils sont louches !
- Nhan !
- Si !
- Nhan, prouve le sinon !
- Si Cléa, d'habitude, c'est pas dans ce sens là qu'ils courent...
- Mince, c'est vrai, qu'est-ce-qu'on fait ?
- Moi aussi j'veux rentrer retrouver Marcel."

La voix de la sagesse, alias Dame Roberte, s'évela alors :

"Ils ne nous ont pas vu."

Les enfants stoppèrent leur course.

"Maintenant si."

o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o

"Là-bas, on dirait des gens...
- Ca sent le grillé...
- Je ne vois pas Glator...
- C'est sans doute leur déjeûner...
- J'ai peur...
- Mais non c'est juste la Datura qui pique-nique...
- LLAA DDAATTUURRAA ??!!"

Les jeunes zenfants se souvenaient des histoires qu'on leur racontait : celle du Norc qui te mangeait si tu sortais du lit trop tôt, celle de l'homme qui parlait aux taupes, celle de Maurice le cruel ou encore celle de celui qui avait perdu sa brosse à cheveux et poutrait tous ceux qui avaient le malheur de le voir dans cet état...
Oui, leurs tremblements étaient justifiés.
Non, leur filets à papillons seraient sans doute insuffisants, l'un d'eux fouillait frénétiquement sa poche à la recherche de sa dague primaire...
Mais pourquoi la petite fille ignorait-elle la peur face à eux ?

o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o

Dame Roberte se posait la même question.

"Mais pourquoi la petite ignore-t-elle la peur face à nous ?
- Ca inquiète Marcel, il veut rentrer.
- Bah parce que c'est pas une xiloise.
- Pfff... C'que tu peux être blonde ! Qu'est-ce-qu'elle ficherait là sinon ?
- J'l'ai vue à Nedmor quand je cherchais Zelandra.
- En effet, c'est étrange... Il faut fuir...
- On va pas fuir devant des petits exilois ?!
- Mais Cléa dit que c'est pas une exiloize elle, là !
- Je suivrais bien l'avis de Marcel qui pense qu'on devrait rentrer..."

o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o/o

Melwen vit que le grand type avec un chapeau la pointait du doigt. Ses deux compagnons la regardèrent, effarés. Que devaient-ils en déduire ? Serait-elle leur prochain déjeûner ?
La fillette, quant à elle, avait décidé d'ignorer la peur des deux jeunes garçons, et s'approchait déjà, la main en visière pour mieux distinguer les Daturiens.
Son visage s'éclaira alors...

"Hey, c'est ma keupine là-bas !"



"On poutre les xilois et on fuit l'autre !", S'exclama Ppopeye au même moment.

Ce qui eut pour effet de ravir tout le monde, sauf Marcel, Biostan, et les deux "vrais" exilois.
La petite troupe s'avança donc -prudemment- en direction des trois jeunes.

"Salut Cléa !
- Salut Melouche ! Han ! C'est vrai que t'es exiloise en plusse !
- Ouai, sparce que les royas y zétaient nuls.
- Sbien vrai mais les zexilois encore plusse...
- Han, svrai ?
- Heu... Cléa, t'aurais pu nous le dire qu'on pouvait zapper la partie 2 de notre plan...
- T'inquiètes c'est bon, je fuirais si "l'autre" se pointe.
- C'est elle "l'autre"...
- Han j'croyais que t'avais dit qu'on fuyait "l'autre" pas qu'on fuyait Melouche ! Pourquoi on devrait fuir Melouche ?
- Hé vous là !"

Les deux jeunes garçons s'était réfugiés derrière un garde d'au moins deux mètres de haut qui se tenait habituellement aux portes de Fuisserage, non loin de là.

"C'est Melwen qui nous a amené dans ce piège !
- Ils ont dit qu'ils voulaient nous poutrer !
- Oh oh... Voilà l'autre..."

Comprenant qu'elle était dans une situation fort compromettante, Melwen suivi le mouvement daturien qui oubliait la première parti du plan pour fuir "l'autre"...

"J'le savais."

Je me retrouvais face à un dilemme énorme, révélant les trois facettes, pour le moins paradoxales, de ma personnalité. D’une part, il me démangeait de poutrer les deux petits exilois, d’autre part, il y avait le garde qu’il fallait fuir étant donné qu’il semblait ne pas apprécier l’odeur de grenouille cramée et enfin, ma réputation de super héros était en jeu : sauver Melwen ou la laisser entre les mains du garde. Je devais faire le point (tout en m’éloignant petit à petit du garde, cela va de soi). Grâce à une vivacité assez extraordinaire, j’en conclus rapidement que ma vie était ce qu’il y avait de plus important ici. La fuite devait donc être la pierre angulaire de mon projet baptisé « suite des évènements ».
Ensuite, poutrer les deux exilois aurait mis en grand danger ma vie : il fallait contourner le colosse qu’était le garde, qui refusa mon offrande de cinq cuisses de grenouilles et d’une carotte contre les deux Exilois (vraiment des durs en affaire ces gardes).
Pour mon statut de super héros, je n’eus pas à trouver de solution : Melwen nous avait rejoint discrètement. Brillante idée jusqu’à ce que le garde (encore lui !) ne l’aperçoive. La fuite devenait imminente, et étant devenu maître en la matière, je me devais de guider mes compagnons…
Nous étions donc en repli dispersé (et désordonné surtout). Quel spectacle pathétique que de voir fuir un super héros trouillard, un super héros dont la précision à l’arc était assez approximative (et c’est un pléonasme que de dire ça), une super tulipe avec les mains sur la tête pour protéger ses cheveux, une super blonde, une taupe et une petite blonde exiloise…Dame Roberte avait été, elle, assez intelligente pour fuir directement.

Une fois arrivé au « campement », Melwen me sauta dans les bras :

-Waaa s’trop gentil de m’avoir accepté parmi vous !

Une question primordiale me vint alors instantanément à l’esprit : pourquoi avoir voulu sauver Melwen ? Certes mon statut de super héros devait m’y pousser mais elle n’avait pas tous les éléments en sa faveur : blonde (donc amie de Cléa, donc alliée de Cléa dans les débats, ne facilitant pas le moins du monde la gestion du clan), exiloise (théoriquement à poutrer donc) et puis elle doit pas avoir 15 ans la pauvre…Je la repoussai donc après être resté penaud quelques instants (le temps que je pense à tout ça en fait).

-De t’avoir quoi ?!
-Han ! Beh de bien vouloir que ma keupine Cléa et moi on soit ensemble et que ze devienne donc daturienne !
-Nanmého ! S’pas possible ça…On peine déjà avec une blonde, alors une deuxième, c’est le calvaire assuré, la fin de la maigre part de raison qu’il reste au sein de la guilde !

Mon côte assassin ça…Un peu trop impulsif…La chtiotte (nan pas chiotte, quand même pas) courut dans les bras de Cléa, en larmes. Cinq minutes qu’elle était là et c’était déjà le drame.

-Haaan Cléa ! Il a d..d…dit qu…qu’il voulait pas de mm…moi à la Datura !

Pleurs

Voilà qui ne faisait que confirmer mon opinion : on aurait dû la laisser avec le garde…